Les rencontres foefiennes

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Travail sur la mémoire de la Foefi et des "Foefiens"
Episode 1 : la rencontre
Chers Foefiens,
Ce dimanche 8 juin, je suis arrivée à Vouvray avec une tarte aux pommes dans une main et beaucoup de points d'interrogations dans l'autre. Est-ce le bon moment pour débarquer ? Ne vais-je pas les déranger en pleines retrouvailles pentecôtistes ? Vont-ils trouver ma démarche intéressante ? Vont-ils avoir envie de discuter avec moi ? et j'en passe… Il faut dire que mon projet est encore un peu confus. Ma grand-mère était eurasienne, de mère française et de père vietnamien. Dans ma famille, pourtant, jamais je n'avais entendu ce mot d'"Eurasien". Les parents de ma grand-mère ont divorcé assez vite, son père s'est remarié avec une Laotienne et sa mère avec un médecin français. Jusqu'à son départ d'Indochine en 1947, à l'âge de 18 ans, elle a vécu "du côté français". Son départ lui-même, s'il a été un arrachement culturel, ne l'a pas été familialement parlant puisque sa mère, son frère et son beau-père l'accompagnaient. C'est en découvrant l'existence de la FOEFI, il y a un an, que j'ai réalisé que beaucoup d'Eurasiens avaient eu un destin tout autre… Devant ce morceau de l'histoire de France qui croisait soudain ma conscience, je suis tombée des nues. Comment avais-je pu ne jamais en entendre parler ? Après quelques recherches, mon âme d'historienne et mes racines me criant "Encore !", j'ai contacté Roland Rémond, qui a très gentiment accepté de me rencontrer pour me parler de la FOEFI. Je lui ai fait part de mon désir de réaliser un travail de fond d'entretiens avec tous les anciens de la FOEFI qui seraient volontaires, avec cette idée que cette mémoire là ne doit pas disparaître. Avec cette certitude que pour qu'il y ait une histoire, il doit d'abord y avoir des témoins. Et que ces témoins, ce sont vous. Je dois vous avouer que j'ai très peur. Peur de vous solliciter, de vous poser des questions, de vous faire vous retourner sur un passé que beaucoup ont sûrement patiemment tenté d'enfouir quelque part où personne, justement, ne viendrait le chercher. J'espère malgré tout que vous serez nombreux à répondre à mon appel. En quelques mots, voici mon projet. En réalité, il est double. 1) Réaliser ce corpus d'entretiens, qui n'auront pas vocation à être publiés tels quels, mais qui pourront servir de ressources pour une histoire future de la FOEFI, par exemple. L'idée serait ici de se rencontrer pour discuter de votre histoire, par exemple autour de grands thèmes : votre nom / vos parents / le souvenir du Vietnam / la famille là bas - la famille ici / l'arrivée en France / le "statut", la citoyenneté française / la langue - les langues / la vie en foyer, les copains, les règles, l'encadrement… / les autres "départs" (d'un foyer à un autre, de la foefi…) / la France, la citoyenneté française, les papiers / les questions qu'on se pose, celles qu'on ne se pose plus / la religion / les études / la colère, le ressentiment, le pardon ? / le retour au Vietnam ? / la parentalité, le fait de devenir père ou mère à son tour / etc… 2) J'aimerais aussi réaliser un travail photographique autour de la fabrique de "l'identité eurasienne" (continuités et ruptures). Pour les personnes qui sont d'accord, cela consisterait à me fournir (ou me scanner) une photo de vous enfant (au Vietnam ou à votre arrivée en France, comme vous voulez) et de poser devant mon objectif pour un portrait en noir et blanc (de face, de profil, de dos, juste les mains… Comme vous le sentez). L'idée serait ensuite de mettre face à face ces deux photos, au même format, accompagnées d'un petit texte qui répondrait à ces deux questions : Qu'y-a-t-il dans la tête de cet enfant ? / Qu'y-a-t-il dans la tête de cet adulte ? Et de présenter cette exposition dans différents lieux. La nuit suivant cet après-midi du 8 juin auprès de certains d'entre vous, j'ai été réveillée par un orage tonitruant. Je me suis alors souvenu de l'intervention de Jacqui Maurice quelques heures plus tôt, au moment d'allumer le barbecue pour le repas du soir en plein air : "Heu, nous avons un problème… Nous venons d'entrer en vigilance orange avec orages violents et grêle, pile au-dessus de nos têtes. Qu'est-ce qu'on fait ?" Réactions placides, voire amusées, des uns et des autres… et puis ce consensus, presque sans mot dire : non, non, on est bien, là. On verra bien. C'est ainsi que je me souviendrai de vous, lors de ces premiers instants partagés : imperturbables sous la menace d'un déluge qui, visiblement, n'avait qu'à bien se tenir. En espérant vous voir et vous revoir bientôt.
Sophie Hochart (j'habite à Tours) sophie.redactrice@gmail.com


photos de Paul et Philippe Garnier, Sophie Hochart et Pierre Césario